NOAH
Walter Woodman, Patrick Cederberg
2013
Prix du meilleur court métrage TIFF
Crédit photo: Konbini
Non, il n’y a pas de plans, non il n’y a pas d’acteurs, mais oui c’est un film quand même ! Noah c’est le pari fou mais réussi de faire de notre écran, l’écran même du court métrage. En effet, ces deux étudiants ont remporté le prix du meilleur court métrage grâce à leur projet au cœur de l’actualité : notre utilisation de l’Internet.
Pendant une vingtaine de minutes, on peut suivre une part de la vie virtuelle de Noah, que l’on ne voit que grâce au biais d’une conversation Skype, une photo Facebook ou une discussion Chatroulette.
Ce court métrage est pour moi une réussite de par le regard que l’on nous impose : un écran et non la réalité face à l’écran, nous sommes démunis de toute liberté et prisonniers de ce qui défile devant nous. D’autant plus avec le fait d’avoir choisi de rajouter des directions et mouvements au sein même de l’image, qui créer malgré nous une forme d’identification immédiate. Cet écran est notre écran, cette souris cliquant frénétiquement est notre souris, et ce compte Facebook devient notre compte aussi.
Une réussite également dans le sens où Noah est tellement connecté qu’il n’y a finalement plus d’interaction possible malgré l’utilisation simultanée de Facebook Messenger, Skype et iMessage. Mais alors que tous ces réseaux soulignent l’aliénation de l’immédiateté, la présence de Chatroulette vient perturber la logique du film. En effet ce site est le paroxysme de Facebook : parler à des inconnus de la terre entière en étant soi-même anonyme, sans dire bonjour ni au revoir. Noah ayant été bloqué sur Facebook par son ex-copine n’y voit plus d’intérêt, et va donc se réorienter vers Chatroulette. Noah se retrouve à chatter avec une inconnue qui lui propose de répondre à UNE question avant d’aller se coucher, Noah lui demande « Quel est ton Facebook ? » et c’est là le sommet et la force du film : la réponse importe peu, c’est la question qui est fondamentale. Il ne lui demande pas son nom, ni son prénom, mais bien son Facebook !
Il y a là quelque chose de drôle mais de triste et pathétique à la fois, drôle parce qu’on s’y reconnaît et triste parce que l’on réalise.
La fin souligne cette idée du pathétique : Noah éteint son ordinateur, on attend alors à ce qui le rallume, rentre à nouveau son code et qu’il navigue à nouveau sur Internet. Mais l’écran reste noir et la situation n’a pas évolué depuis le début. Cette non fin souligne la boucle incestueuse d’internet, car si ce court métrage que je visionnais sur YouTube est bel est bien terminé, mon écran à moi se remet à fonctionner, et c’est à mon tour de cliquer frénétiquement sur mes nombreux onglets ouverts et de raconter à mes « amis » en copiant/collant l’url du lien de la vidéo ce que je viens de regarder.